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La langue de Dale, encore plus septentrionale, ne se voit dans ce livre qu’à travers le nom des Nains qui vinrent de cette région et utilisaient la langue des Hommes de là-bas, dont ils se servaient pour forger leur noms “extérieurs”. »
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e dalien, la langue parlée à Dale et à Esgaroth, était étroitement apparentée à celle des Rohirrim2) et des Beornides, dérivant toutes de la langue des Northmen, qui furent les alliés du Gondor entre c. 1240 et 1899 TA. Tous ces peuples descendaient des Edain du Premier Âge ou de leurs proches cousins. Le dalien était donc un lointain descendant du taliska, la langue du Peuple de Hador3). Bien que le westron ait été connu à Dale, les habitants de la région avaient conservé l’usage de leur propre langue au quotidien, de même que les Beornides et les Forestiers vivant à l’Ouest de Mirkwood4). Les Nains ayant pour habitude d’employer la langue des peuples voisins pour toutes les tractations avec des étrangers, ceux qui vivaient à Erebor et dans les Collines de Fer avaient eux-mêmes adopté le dalien. Leurs noms « externes » étaient également dans cette langue5).
Dans le Seigneur des Anneaux et le Hobbit, la langue de Dale est représentée par le vieux norrois6), à l’exception du surnom Oakenshield « Écu de Chêne », qui est une traduction en anglais moderne du nom Eikinskjaldi attesté dans la Völuspá7). Comme pour le hobbitique ou le rohanais, on connaît fort peu de dalien véritable. Le seul mot attesté jusqu’à présent est le vrai nom de Smaug, Trāgu8), apparenté à Trahand « apte à ramper dans un trou », le nom de Sméagol dans une des langues du Val d’Anduin9). Dans l’Appendice F du SdA, Tolkien affirme que les noms des Nains (Balin, Glóin, Dáin, etc.) sont les seuls termes daliens apparaissant dans le roman. Toutefois, la Nomenclature précise que Forn, le nom que donnaient les Nains à Tom Bombadil, est lui-aussi un terme scandinave et sous-entend qu’il était supposé s’agir d’un nom dalien. En outre, Tolkien indique dans une lettre que le nom du roi Gram pouvait témoigner d’une influence dalienne sur la langue des Éothéod. En effet, ce nom signifiait « guerrier, roi » dans les textes poétiques en vieux norrois tout en étant attesté comme nom propre anglo-saxon10). Enfin, une discussion du nom Stoor « Fort » en PM, p. 39, signale qu’il devait initialement signifier « gros » et était toujours courant en dalien, alors qu’il n’était pas attesté en westron. Cela pourrait incidemment indiquer que les Hobbits avaient habité au nord-est de Mirkwood avant de migrer vers le Val d’Anduin.
L’emploi de noms tirés de la Völuspá pour les Nains du Hobbit fut l’un des principaux soucis linguistiques de Tolkien lors de la préparation du SdA11). Au cours de la rédaction du Hobbit, Tolkien considérait qu’il s’agissait des vrais noms des Nains accompagnant Thorin et semble s’être amusé à fournir un contexte « historique » à une liste de noms donnée sans explication dans l’Edda poétique. Toutefois, dès décembre 1937, il vint à regretter son choix et « ce fatras de nains aux noms eddiques sortis de la Völuspá »12).
En effet, avec l’intégration progressive du Hobbit à son Légendaire, l’ensemble de l’action était désormais supposée se passer plusieurs millénaires avant l’apparition du vieux norrois. Lors de la préparation de l’Appendice sur les langues, Tolkien chercha à résoudre ce paradoxe. Il vint ainsi à imaginer le concept des noms « externes » des Nains, empruntés aux langues des populations à proximité desquelles ils vivaient. Comme l’indique Christopher Tolkien, de là semble découler l’ensemble de la structure de représentation des langues humaines de l’Ouest de la Terre du Milieu par différentes langues germaniques du monde primaire13).
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