Articles de synthèse : Ces articles permettent d’avoir une vue d’ensemble du thème traité mais ils nécessitent une bonne connaissance des principales œuvres de J.R.R. Tolkien. |
Cet article est issu du fanzine à but non lucratif Vinyar Tengwar no 26 paru en novembre 1992. Il présente une phrase en parler noir (la langue des serviteurs du Mordor) dans une version légèrement différente de celle publiée dans Le Seigneur des Anneaux permettant ainsi à l’auteur de faire quelques observations.
L’Association Tolkiendil remercie le Tolkien Estate ainsi que Carl Hostetter pour leurs permissions de traduire ce texte en français, et de l’inclure sur ce site internet. Le texte est © The Tolkien Trust 1992, 2007. |
armi les manuscrits de Tolkien dans les archives de l’université de Marquette à Milwaukee se trouvent les tapuscrits des Appendices du Seigneur des Anneaux. Ces tapuscrits sont largement identiques aux versions publiées, mais çà et là Tolkien a supprimé diverses notes et passages, apparemment afin de condenser le matériel pour la publication. L’une des victimes de cette édition fut une note à la Partie I de l’appendice E, qui, telle qu’éditée (RK, p. 3951)), se lit : « dans la langue noire et l’orquien gh représente une spirante vélaire (apparentée à g comme dh l’est à d) : comme dans ghâsh et agh ». Avant correction, la version tapuscrite continuait : « Le bh dans le fragment de langue noire corrompue dans II 48 apparaît dans le mot composé búb-hosh ». À cela Tolkien ajouta une note donnant le fragment cité de pair avec une traduction :
Uglúk u bagronk sha pushdug Saruman-glob – búb-hosh skai !
« Uglúk to the dung-pit with stinking Saruman-filth – pig-guts gah ! »
« Uglúk dans la fosse-à-purin avec le puant Saruman-saleté – porc-boyaux ah ! »
Celui qui exprime ce sentiment est Grishnâkh, un Orque du Mordor, qui, dans ce style oratoire orque inimitable, veut voir Uglúk dans une fosse à purin avec le reste des Uruk-hai d’Isengard.
a traduction de Tolkien est faite mot à mot et semble être littérale, ainsi seules quelques remarques méritent d’être faites. Premièrement, cette version du fragment diffère de celle dans LotR, vol. II, p. 482) en séparant les éléments du mot composé búb-hosh « porc-boyaux » avec un trait d’union. À partir de ceci, il est clair que búb est « porc », tandis que hosh est « tripes, boyaux ». De même, nous pouvons voir à partir de u « à, dans » et sha « avec » que le parler noir altéré employait des prépositions indépendantes, à la différence du parler noir correct3), qui semble avoir employé des postpositions enclitiques ; cf. l’inscription de l’Anneau burzum-ishi, littéralement « ténèbres-dans »4).
Bien que ce passage n’amènera personne à de la poésie en parler noir altéré (à moins que les viscères porcines n’en rendent certains dithyrambiques), il éclaire l’une des langues tolkieniennes jusqu’ici les plus complètement opaques dans laquelle nous ayons des fragments.
Je voudrais remercier la Tolkien Estate pour leur aimable permission de publier ce passage. Merci également à Patrick Wynne, qui fut le premier à noter la distinction préposition/postposition.